
La Tunisie, quatrième producteur mondial d’huile d’olive, traverse une crise sans précédent dans ce secteur clé de son économie. Entre la chute des prix à l’international, une fraude massive et des mesures gouvernementales pour relancer l’exportation, l’avenir de l’huile d’olive tunisienne se joue sur plusieurs fronts. Retour sur les principaux enjeux abordés lors de l’interview de Houcine Rhili, expert en gestion des ressources, sur une radio privée. En pleine crise, un scandale de fraude a révélé les failles du système de régulation. Un exportateur tunisien aurait détourné plus de 180 millions d’euros, encaissant des paiements sans livrer la marchandise. Cette escroquerie, facilitée par la libéralisation du marché, illustre les risques liés à un assouplissement excessif des contrôles. Ce scandale ternit l’image de l’huile d’olive tunisienne à l’international et fragilise un secteur déjà éprouvé. Il souligne l’urgence d’un encadrement plus strict des transactions pour éviter de nouveaux abus. Houcine Rhili a déclaré : « L’ouverture du marché devait rendre nos exportateurs plus compétitifs, mais elle a aussi ouvert la porte à des abus. » Cette situation nuit gravement à la réputation des exportateurs tunisiens et érode la confiance des acheteurs internationaux, qui en profitent pour renforcer leur position sur le marché.
Un plan gouvernemental axé sur l’exportation
Face à cette crise, l’État a annoncé, lors d’un Conseil des ministres restreint le 7 mars 2025, plusieurs mesures pour soutenir les exportateurs et améliorer la compétitivité de l’huile d’olive tunisienne à l’international. Désormais, la subvention du Fonds de promotion des exportations (Foprodex) couvre 50 % des coûts maritimes pour l’huile d’olive en conserve, y compris vers des marchés stratégiques comme la France, l’Italie et l’Espagne, et 70 % des frais aériens pour l’huile conditionnée. Le gouvernement simplifie également les procédures d’exportation en supprimant l’autorisation préalable et en révisant le décret n°1743 sur le commerce extérieur. La validité des certificats de paiement est prolongée et un mécanisme tripartite facilite le recouvrement des créances en devises. Pour encourager cette dynamique, la Banque centrale assouplit les délais de paiement pour les entreprises exportatrices, et une restructuration de l’Office national de l’huile (ONH) est prévue afin d’optimiser sa gestion et renforcer son rôle stratégique. L’accent sera aussi mis sur la valorisation des organismes de soutien, tels que les unités de trituration, de raffinage, de conditionnement et les laboratoires d’analyse, afin d’améliorer la compétitivité et la reconnaissance internationale de l’huile d’olive tunisienne.
Un marché manqué face à la crise espagnole
Si la Tunisie est un acteur majeur de l’huile d’olive, elle fait face à des concurrents de taille comme l’Espagne et l’Italie. Cette année, la crise espagnole aurait pu être une opportunité pour les producteurs tunisiens, mais un manque d’anticipation et de structuration a empêché une réelle prise de position sur le marché international. Houcine Rhili déplore cette situation : « Nous aurions pu mieux positionner nos marques sur le marché international, mais nous restons trop dépendants des grands acheteurs. »
Quel avenir pour les producteurs tunisiens ?
Si les mesures gouvernementales visent à dynamiser l’exportation, la situation des producteurs locaux demeure préoccupante. Toute la chaîne de valeur — production, transformation, stockage et commercialisation — est fragilisée par l’augmentation des coûts et le manque de soutien aux agriculteurs. « Nos coûts de production augmentent, mais les prix à la vente ne suivent pas. Nous avons besoin de réformes structurelles pour garantir notre survie », témoigne Amel Belhadj Ali, journaliste spécialisée dans le secteur économique. Si les récentes décisions gouvernementales apportent un soutien temporaire, elles ne suffisent pas à résoudre les problèmes structurels du secteur. La Tunisie doit repenser sa stratégie pour assurer la pérennité de son huile d’olive sur le marché mondial et, par là même, protéger ses producteurs locaux. Cela passe par une meilleure organisation, une lutte accrue contre la fraude et une valorisation des produits tunisiens sur la scène internationale mais aussi nationale. Sans ces réformes, le pays risque de voir son potentiel inexploité et sa compétitivité fragilisée à long terme.